


Normalement, aujourd'hui je comptais parler un peu de la petite ONG locale où je travaille (FOSPHA) mais réflexion faite, il faut d'abord que je vous parle de comment j'arrive de la maison jusqu'à FOSPHA. Comme on n'a pas de voiture (et oui, à la guerre comme à la guerre) je me tape au moins trois fois par semaine 3h de taxi. Et il ne s'agit évidemment pas de taxis verts ou bleus. Les taxis ici c'est la STUC (comme « stuck » en Anglais ? un nom tout à fait approprié) dont la devise est Confort et Sécurité… je ne peux m'empêcher de détecter une pointe d'ironie là dedans. En fait pour faire simple, les questions à se poser sont : est ce que ce truc peut m'amener de A à B ? Et ce que j'y arriverais plus vite qu'à pied ? (Encore que ce deuxième paramètre n'entre pas toujours dans l'équation). Du moment qu'il y a 4 roues et un moteur la réponse est OUI. C'est comme si toutes les voitures, minibus et camionnettes qui n'ont jamais eu la moindre chance de réussir un contrôle technique chez vous étaient ici transformés en taxi. Pour les minibus ça va encore puisqu'ils sont à la base conçus pour transporter des passagers mais pour les camionnettes qui n'ont pas de banquettes, on y cloue tout simplement des rangées de bancs en bois fabrication locale et voilà le transport en commun ! C'est comme ça qu'on voit ici de camionnettes BELGACOM, SUZE- PASTIS 51 ou d'autres sociétés genre nettoyage de tapis, travaux de bâtiments etc. .
Et bien sur, il y a toujours de la place même si vous n'avez qu'une demi fesse qui touche le siège on vous demandera de bouger. Vu l'état lamentable des véhicules, il n'est pas rare qu'ils tombent en panne en plein milieu de la route, et là tout le monde descend et attend un autre taxi. Kinshasa étant surpeuplée et n'ayant pas assez de routes, les embouteillages sont pires qu'à Bruxelles. Le matin tout le monde va de la périphérie vers le centre et les gens se battent littéralement pour rentrer dans les taxis (dès que le taxi arrive et avant qu'il ne s'arrête pour laisser descendre les gens, ceux qui veulent y monter s'agrippent au véhicule et l'escaladent pour rentrer par la « fenêtre » (« fenêtre » parce que la plupart du temps c'est un gros hublot découpé dans le métal de la camionnette). Heureusement pour moi, je fais l'inverse, j'habite plutôt dans le centre et je travaille à la périphérie et en plus je suis pote avec les types qui appellent les clients donc je n'ai pratiquement jamais de problèmes.
Le système des taxis est plus ou moins le même que dans les pays d'Afrique de l'Est que je connais. Mais il existe ici beaucoup plus de nuances. Par exemple le prix de la course varie en fonction du type de véhicule (c'est plus cher si c'est une simple voiture, ben oui c'est un peu plus confortable et ça va un peu plus vite) en fonction de l'heure (plus cher aux heures de pointes) et de la distance. Pour arrêter les taxis, les Kinois ont un langage de signe. La main tournée vers la droite qui va de bas en haut (un peu comme si on serrait la main de quelqu'un) signifie tout droit sur cette avenue. L'index pointé vers le bas comme pour montrer ses pieds signifie je vais tout près J (mais il fait trop chaud et j'ai mal au pieds). L'index pointé vers le bas mais qui dessine un cercle signifie direction Rond Point Victoire. Il y a encore d'autres signes que je ne maîtrise pas encore mais les gens sont toujours ravis de m'apprendre.
Donc une fois assise ; dans un minibus, il faut soit s'asseoir à coté du chauffeur (même si là on risque d'être délogé par un militaire qui doit s'asseoir là lorsqu'il est en tenue) ou alors au deuxième rang. Il faut à tout prix éviter le premier rang parce que souvent le moteur chauffe tellement qu'on risque de se brûler les jambes et le rang du fond parce qu'on y étouffe de chaleur ; de préférence coté fenêtre (même si l'air est tellement pollué qu'on respire que du gaz d'échappement, mais bon on a le choix entre deux parfums « Mélange d'eaux de transpi » ou « CO2 » ) je peux enfin regarder les Kinois dans leur vie quotidienne. Le plus intéressant ce sont les noms qu'ils donnent à leur taxis, certains ne sont pas très originaux « Champion » « Homme Fort » ou « L'homme honnête » d'autres font référence à la religion « Jeremie 19-1 et 2 » « Jean 23 » (le deuxième fait référence à un pape… pour les incultes) ou encore « La surprise de Dieu », « Mon Dieu est plus que vainqueur », « Toute arme forgée contre moi sera sans effet » (Celui là prenait la moitié du pare-brise) « Chico Saint Esprit » d'autres sont encore plus intéressants « Eddie Merphy » (et je sais comment on écrit Murphy) « Bill Clinton » ou mystérieux « Frappe encore » « Bic Rouge » (????) « Code Pin » ou font référence à la guerre « Tango Fort » (Nom de guerre d'un général).
Quand on sort d'un taxi, on n'a généralement qu'une seule envie c'est de se laver (le mélange gaz d'échappement d'essence de mauvaise qualité, chaleur, humidité, poussière et échange de transpiration avec inconnus n'est pas ce qu'il y a de plus agréable). J' « admire » toujours certains kinois qui se baladent en costume trois pièces et qui sortent des taxis sans un pli à leur costume alors que moi…
Voilà, alors arrêtez de râler contre la STIB qui a 20 minutes de retard. Vous avez des bus climatisés, numérotés, classés, contrôlés, et impersonnels….